TVA sociale : une histoire belge?
Inquiets pour la sécurité routière en Belgique, le gouvernement a demandé à un groupe d’éminents experts d’étudier les systèmes en vigueur dans quelques pays d’Europe, afin d’identifier puis d’imiter les meilleures pratiques. Après quelques mois d’études approfondies (avec une foultitude de tests statistiques et économétriques), les experts parviennent aux conclusions suivantes : les routes anglaises sont parmi les plus sûres, ce qui s’explique par le fait que les automobilistes roulent à gauche.
Séduit par ces conclusions, le gouvernement belge décide d’adopter la mesure. Mais, bien conscients des incertitudes qui pèsent sur certains points de l’étude, ils décident de commencer par une expérimentation, avec généralisation au bout d’un an, si le système s’avère efficace : ainsi, de juillet à décembre, seuls les camions seront autorisés à rouler à gauche[1]...
Le parallèle est-il possible avec la TVA sociale ? Pas impossible…
Le gouvernement explique en effet que la TVA sociale a été adoptée par l’Allemagne et le Danemark, que ces pays ont des bonnes performances économiques en matière de croissance (performances à relativiser, soit dit en passant) et de lutte contre le chômage, l’adopter à notre tour semble donc pertinent (c’est le discours tenu par Jean-François Copé dans une interview pour France 3 il y a deux ou trois jours). En oubliant de s’interroger plus avant sur les déterminants des performances de ces pays , et sur le rôle effectif qu’a pu y jouer la TVA sociale.
Sur le volet expérimentation, également, les propositions que j’ai pu voir laissent un peu rêveur : certains nous disent que l’agriculture pourrait être le secteur test pour la TVA sociale (la FNSEA est demandeuse), rebaptisée, je vous le rappelle, TVA anti-délocalisations par notre premier ministre. Si le dispositif fonctionne, on ne verra donc plus passer le "train des délocalisations" (ce sont les termes de notre président) de vaches charolaises ou de champs de maïs qui, c’est bien connu, traversent quotidiennement les voies ferrées françaises pour s'expatrier en Chine…
Si le secteur retenu est le secteur automobile (hypothèse entendue à plusieurs reprises, évoquée ici par exemple), on peut également s’interroger mais pour d’autres raisons. Ce secteur est en effet marqué par un recours important à la sous-traitance. Dès lors, le dispositif concernera-t-il uniquement les donneurs d’ordre, ou bien sera-t-il étendu aux sous-traitants ? Dans le premier cas, se pose un problème évident : si deux constructeurs ont un degré d’internalisation différent, le constructeur qui sous-traite le moins sera clairement avantagé par la mesure. Altération peu défendable de la concurrence. Dans le deuxième cas, idem : si le dispositif concerne les sous-traitants, quid de la concurrence entre les sous-traitants qui sont fournisseurs de l’automobile et d’un autre secteur, mettons l’aéronautique, et d’autres sous-traitants qui ne sont eux fournisseurs que de l’aéronautique, et qui seraient en concurrence avec les précédents ? Les premiers bénéficieront d’un allègement de charge, pas les derniers. Si on décide alors d'étendre le dispositif à ces derniers, on risque de devoir le généraliser, de proche en proche, à l'ensemble des entreprises. Bref, l’expérimentation peut être une bonne chose dans certains cas, mais dans ce cas précis, je m'interroge...
PS : petite précision à destination de notre nouveau ministre gaffeur d'Etat : je n'ai pas dit que, pour réduire le chômage, il fallait autoriser les camions à rouler à gauche sur les routes françaises...
[1] merci à Philippe N. pour la version initiale de l'histoire belge.