Chômage des jeunes : un problème de division...

Publié le par Olivier Bouba-Olga

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de mettre en place un contrat dédié aux jeunes ? Car, nous dit-on, le taux de chômage des jeunes est très élevé : 22% pour les 15-24 ans, fin 2004, selon l'Insee... Ce que certains interprètent un peu trop rapidement comme le signe que "un jeune sur quatre est au chômage"...

Et bien non... Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active, cette dernière étant la somme des actifs occupés et des chômeurs. C'est donc une division, avec un numérateur (nombre de chômeurs) et un dénominateur (population active). Or, tout le monde le sait (où devrait le savoir), le résultat d'une division peut être élevé soit en raison d'un numérateur élevé (beaucoup de chômeurs) OU d'un dénominateur faible (peu d'actifs). En l'occurrence, s'agissant des 15-24 ans, le taux de 22% s'explique essentiellement par le fait que la population active jeune est faible : plus de 60% de la classe d'âge est en étude ! De ce fait, mieux vaut calculer non pas le taux de chômage, mais la part des jeunes au chômage, autrement dit le nombre de chômeurs jeunes divisé par la population totale jeune. Et là, surprise : cette part est, fin 2004, de 8,1% (source : Insee)... Le problème n'est donc pas un problème d'âge, mais plutôt, pour l'essentiel, un problème de qualification : ce sont les jeunes sortis le plus tôt du système éducatif qui peinent à trouver un emploi, d'où le taux de chômage observé. Ceux qui poursuivent leurs études s'insèrent beaucoup plus facilement sur le marché du travail.

Malgré cela, peut-on espérer que la mise en place du CPE aidera la catégorie des jeunes peu qualifiés à  mieux s'insérer ? Tout dépend des raisons pour lesquels ils ont du mal à trouver un emploi. Dans l'esprit du gouvernement, le problème relèverait d'un manque de flexibilité du marché du travail. D'où la volonté d'assouplir le code du travail. Or, l'origine du problème peut être ailleurs : dans tout un ensemble de secteurs, les entreprises n'ont pas besoin de travail peu qualifié...

Plutôt que de se concentrer sur les jeunes, il conviendrait donc plutôt de se focaliser sur les personnes les moins qualifiées, et de s'interroger pour savoir si le problème est un problème de coût, ou de qualification. Si c'est cette dernière explication qui prime (et c'est celle-là, bien sûr!), la politique adaptée ne consiste pas à flexibiliser le marché du travail, mais à former les jeunes, et faire en sorte qu'un moins grand nombre sorte sans qualification, ou avec un niveau de qualification trop faible... 

[Analyse statistique de l'ANPE] [Les derniers chiffres de l'Insee]

Publié dans Emploi

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S
En effet la solution pour réduire ce chômage serait d\\\'accroître le niveau de qualification de ces jeunes. Cependant l\\\'élévation du niveau de qualification n\\\'entraîne pas que des effets positifs. On peut d\\\'ailleurs actuellement constater ces conséquences, les embauches ne se font plus sur les compétences effectives de l’individu mais sur leur diplôme. Par ailleurs en ce qui concerne le CPE il me semble juste de flexibilisé le marché du travail à un moment où notre société est de plus en plus confrontée à la contrainte extérieure. Il n\\\'est effectivement pas une solution aux jeunes sans qualifications mais il permet de résoudre beaucoup d\\\'autre problème.
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A
Néanmoins, selon la dares (pips 12/2005) on rentre plutôt dans une phase de croissance de l'emploi peu qualifiés et de polarisation de l'emploi entre cadres et peu qualifiés. Dans ce contexte, le fait que les jeunes peu qualifiés trouvent très difficilement un emploi (à la fois par rapport aux autres classes d'âge, mais aussi par rapport aux qualifiés) ne relève pas forcément uniquement de leur non qualification et du facteur formation mais aussi du facteur primo entrant sur le marché du travail.
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A
http://www.educnet.education.fr/insee/chomage/qui/qualif1.htmEnfin, quand on regarde le taux de chômage des peu qualifiés, mettons les gens s'arrêtant au niveau bac, on arrive à un taux de chômage de près de 10%. Il semble donc qu'il y ait un problème spécifique aux jeunes peu qualifiés qu'il convient de résoudre.
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O
tout à fait d'accord, c'est ce que j'explique dans d'autres articles. Mais on voit bien que le problème n'est plus le même : ce qui explique le difficile accès des jeunes non qualifiés, c'est leur manque de qualification. La politique adaptée est une politique de formation, pas de flexibilisation du marché du travail...
E
je voudrais préciser à JaK que la gauche si elle a fait les 35 heures par idéologie, il est difficile de lui reprocher de l'avoir caché, car elle-même ne s'en est pas caché!<br /> Ce n'est pas le cas de l'idéologie libérale qui fait bien plus peur que celle de la gauche et pour laquelle on invente toute manigence utile, dont le CPE est un exemple parmi d'autres, pour permettre de servir les intérêts particuliers d'un petit nombre au détriment du plus grand nombre.<br /> La droite fait du pragmatisme pour cacher son idéologie et elle reproche à la gauche de ne pas faire preuve de pragmatisme. C'est normal, la gauche assume son idéologie (du moins la vraie gauche, pas les sociaux démocrates....) parcequ'elle sert le plus grand nombre.
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J
à propos de la réponse de Enzo:"Or, bien entendu le problème du CPE n'est pas un problème de choix stratégique économique mais un problème idéologique [....]Les chiffres sont un moyen détourné pour convaincre, pas une finalité pour ce gouvernement."La faute ne serait-elle pas très largement partagée par les français?ça fait maintenant quelques années que le mot idéologie est considéré comme une chose abominable... alors on la cache derrière un pragmatisme feint.à titre personnel, j'aimerai entendre plus souvent nos dirigeants (et postulants) afirmer et revendiquer l'idéologie qui mène leur réflexion (on a qu'à appeler ça des 'valeurs' si ça fait moins grossier).La gauche a fait les 35 heures par idéologie, la droite fait le CPE par idéologie ...etc... heureusement que les zhom' politic' forgent leurs choix de sociétés à la lumière de leur idéologie, c'est justement  pour ça que la démocratie a un sens, parceque faire de la politique, c'est choisir. Si ce choix est uniquement pragmatique, des élections ne sont pas vraiment le meilleur moyen de choisir nos dirigents, un concours dans chaque spécialité serait beaucoup plus efficace (un prix nobel dans chaque ministère, et la vie devient idéale).
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O
Que les politiques aient des valeurs et qu'ils se positionnent par rapport à ces valeurs est de mon point de vue une bonne chose. De là à présenter de manière biaisée les faits économiques, il y a un grand pas qu'il conviendrait de ne pas franchir. D'ailleurs le gouvernement ne dit pas qu'il fait le CPE par conviction idéologique, mais, précisément,  par pragmatisme...