C’est bien connu, la France se désindustrialise… Les entreprises partent en Chine ou dans les Pays d'Europe Centrale et Orientale, les salariés partent au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis….
Dans « Les nouvelles géographies du Capitalisme », je tord le cou à la première idée. Dans ce petit billet, je propose de m’attaquer à la deuxième idée.
C’est en fait la lecture d’un billet de Ceteris Paribus à propos d’un article du Figaro qui m’a décidé. Ce grand quotidien affirmait qu’un million de jeunes français travaillent désormais à l’étranger. Idée implicite sous-jacente : la France fait fuir ces jeunes, impôts trop élevés, grèves trop nombreuses, anti-réformisme notoire, etc… Et il ne se passe pas un mois sans qu’on nous parle de tous ces français qui partent travailler à Londres, nouvel eldorado économique, car la flexibilité, Monsieur, eux ils savent ce que c’est !
Sauf qu’il y a un biais dans ce type d’exercice : si l’on veut comparer l’attractivité de la France et du Royaume-Uni, autant se doter de statistiques sur les deux pays, et non pas regarder uniquement les Français qui partent à Londres (Le problème est le même s’agissant des délocalisations : il convient de comptabiliser l’activité qui sort de France, d'analyser l'ensemble des destinations, mais aussi de comptabiliser l'activité qui entre dans le pays : la France est la troisième terre d'accueil des IDE, la deuxième des pays développés...).
Dans cette perspective, une étude récente de Bailly, Mouhoub Mouhoud et Oudinet intitulée « Les pays de l’Union Européenne face aux nouvelles dynamiques des migrations internationales » est particulièrement instructive. Elle s’intéresse aux quinze pays de l’UE, fourmille de résultats passionnants, mais je vais me focaliser ici sur la comparaison France – Royaume Uni. Quatre idées essentielles se dégagent de l’analyse :
Première idée : les migrants originaires de l’UE à 15 représentent 18% de l’ensemble des migrants en France contre 16% au Royaume-Uni.
Deuxième idée : en 1995, sur 100 migrants diplômés de l’enseignement supérieur s’installant dans l’UE à quinze, 24 s’installent en France contre 18 au Royaume-Uni. En 1999, les chiffres sont respectivement de 30% (France) et de 4% (Royaume-Uni).
Troisième idée : la part des migrants diplômés dans le total des migrants est de 36% en 1995 en France contre 13% au Royaume-Uni. En 1999, les chiffres sont de 43% pour la France et de 10% pour le Royaume-Uni.
Quatrième idée : la part des migrants diplômés qui ont des contrats temporaires en France est 3,1 fois supérieure à la part des salariés diplômés qui ont ce type de contrat en France. Au Royaume-Uni, cette part est 8,1 fois supérieure…
Bien sûr, il convient de rester prudent dans l'interprétation de ces chiffres : la part des migrants diplômés en France s'explique en partie par une politique migratoire restrictive vis-à-vis de la main d'oeuvre moins qualifiée, politique que certains ont envie d'accentuer (immigration choisie!)... Il n'en demeure pas moins que la France est plus attractive que le Royaume-Uni pour les diplômés de l'enseignement supérieur (cf. deuxième idée).
Ils sont fous ces migrants...