Mittal - Arcelor - Serverstal
La saga continue, avec la fusion Arcelor - Severstal... Je ne reviens pas sur l'affaire Mittal-Arcelor, dont j'ai déjà parlé ici, là, encore là, et même ici), mais je rappelle que le principal reproche que Guy Dollé fait à Mittal est d'être une entreprise familiale ("je vais vous présenter les dirigeants présents, mais mon fils n'est pas là", a-t-il ironisé).
Critique très à la mode qu'Elie Cohen a essayé de théoriser dans un article du monde : "Si l'opération venait à réussir, M. Mittal continuerait à contrôler à titre personnel la majorité du nouvel ensemble. Qui peut croire que la gouvernance du nouvel ensemble s'en trouverait améliorée ? Qui ne voit ce qui est perdu avec le passage d'Arcelor, entreprise transparente, sous la surveillance permanente des marchés et des Etats, sous la coupe de Mittal, entreprise familiale ?" (E. Cohen, Le Monde, 14/02/2006).
En effet, quelle perspective horrible, je n'ose même pas y penser...
Tient, pour info :
* l'OCDE estime que 70% des entreprises des pays industrialisés sont des entreprises familiales, et qu'elles emploient 50% des salariés. En France, près de la moitié des entreprises du CAC40 sont familiales (L'Oréal, Peugeot, Michelin, ...).
* le cabinet Oddo-Pinatton a construit un indice pour comparer les performances des entreprises familiales aux entreprises non familiales : les premières dégagent une rentabilité financière (ROE) de 16,5% par an, contre 12,5% par an pour les dernières.
* tout un ensemble d'études convergent pour dire que ces entreprises investissent plus en formation, mettent en oeuvre un rapport salarial plus stable, pratiquent des politiques de rémunération moins inégalitaires, etc... (voir notamment les études et synthèses de Allouche et Amann, par exemple celle-ci)
Bon, ce n'est pas non plus l'alpha et l'omega de la gouvernance : je défendrai plutôt la thèse que les entreprises familiales sont mieux adaptées à certains contextes concurrentiels, une gouvernance actionnariale étant mieux adaptée à d'autres contextes (cf Les nouvelles géographies du capitalisme). Rien ne justifie en tout cas que l'on en fasse une critique aussi définitive que celle de Dollé et Cohen... (je ne poursuis pas, mais a contrario, on pourrait montrer les limites de la "surveillance permanente des marchés" que vante Cohen : Cf. de nouveau mon bouquin, chapitre sur la dictature financière).
Revenons à Severstal. Groupe Russe. Et là, l'équipe dirigeante fait fort, en pointant, en creux, un autre défaut irrémédiable de Mittal : son origine indienne. En effet, Joseph Kinsch, président du Conseil d'Administration d'Arcelor, vient de déclarer que le russe Alexeï Mordashov, principal actionnaire de référence de SeverStal, est un "véritable européen" (entendez que Mittal est un faux européen, bien sûr). Parce que lui, monsieur, après des études d'ingénieur à Léningrad, il a fait des études en Grande-Bretagne! Puis après, il a exercé des responsabilités en Autriche! (source : ici). Ah, ca fait plaisir de voir la hauteur de vue de (certains) dirigeants d'entreprises françaises... [Add du 27/05 : Guy Dollé himself s'y met : "M. Dollé a beaucoup insisté sur les "valeurs communes" d'Arcelor et Severstal, répétant que M. Mordachov était "très européen" et "très occidentalisé."" (source : ici) Guy Dollé, lui, il est très quoi?]
Tient, je vais faire dans le même genre : ne vaudrait-il mieux pas s'en remettre à une famille indienne qu'à la mafia russe (une autre grande famille, certes...)?
PS : "la surveillance permanente des marchés" est à l'oeuvre : l'action Arcelor chute de 3,70% aujourd'hui, signe que les gentils actionnaires n'aprouvent que moyennement l'opération en cours... D'ici qu'ils préfèrent l'opération de Mittal...
Critique très à la mode qu'Elie Cohen a essayé de théoriser dans un article du monde : "Si l'opération venait à réussir, M. Mittal continuerait à contrôler à titre personnel la majorité du nouvel ensemble. Qui peut croire que la gouvernance du nouvel ensemble s'en trouverait améliorée ? Qui ne voit ce qui est perdu avec le passage d'Arcelor, entreprise transparente, sous la surveillance permanente des marchés et des Etats, sous la coupe de Mittal, entreprise familiale ?" (E. Cohen, Le Monde, 14/02/2006).
En effet, quelle perspective horrible, je n'ose même pas y penser...
Tient, pour info :
* l'OCDE estime que 70% des entreprises des pays industrialisés sont des entreprises familiales, et qu'elles emploient 50% des salariés. En France, près de la moitié des entreprises du CAC40 sont familiales (L'Oréal, Peugeot, Michelin, ...).
* le cabinet Oddo-Pinatton a construit un indice pour comparer les performances des entreprises familiales aux entreprises non familiales : les premières dégagent une rentabilité financière (ROE) de 16,5% par an, contre 12,5% par an pour les dernières.
* tout un ensemble d'études convergent pour dire que ces entreprises investissent plus en formation, mettent en oeuvre un rapport salarial plus stable, pratiquent des politiques de rémunération moins inégalitaires, etc... (voir notamment les études et synthèses de Allouche et Amann, par exemple celle-ci)
Bon, ce n'est pas non plus l'alpha et l'omega de la gouvernance : je défendrai plutôt la thèse que les entreprises familiales sont mieux adaptées à certains contextes concurrentiels, une gouvernance actionnariale étant mieux adaptée à d'autres contextes (cf Les nouvelles géographies du capitalisme). Rien ne justifie en tout cas que l'on en fasse une critique aussi définitive que celle de Dollé et Cohen... (je ne poursuis pas, mais a contrario, on pourrait montrer les limites de la "surveillance permanente des marchés" que vante Cohen : Cf. de nouveau mon bouquin, chapitre sur la dictature financière).
Revenons à Severstal. Groupe Russe. Et là, l'équipe dirigeante fait fort, en pointant, en creux, un autre défaut irrémédiable de Mittal : son origine indienne. En effet, Joseph Kinsch, président du Conseil d'Administration d'Arcelor, vient de déclarer que le russe Alexeï Mordashov, principal actionnaire de référence de SeverStal, est un "véritable européen" (entendez que Mittal est un faux européen, bien sûr). Parce que lui, monsieur, après des études d'ingénieur à Léningrad, il a fait des études en Grande-Bretagne! Puis après, il a exercé des responsabilités en Autriche! (source : ici). Ah, ca fait plaisir de voir la hauteur de vue de (certains) dirigeants d'entreprises françaises... [Add du 27/05 : Guy Dollé himself s'y met : "M. Dollé a beaucoup insisté sur les "valeurs communes" d'Arcelor et Severstal, répétant que M. Mordachov était "très européen" et "très occidentalisé."" (source : ici) Guy Dollé, lui, il est très quoi?]
Tient, je vais faire dans le même genre : ne vaudrait-il mieux pas s'en remettre à une famille indienne qu'à la mafia russe (une autre grande famille, certes...)?
PS : "la surveillance permanente des marchés" est à l'oeuvre : l'action Arcelor chute de 3,70% aujourd'hui, signe que les gentils actionnaires n'aprouvent que moyennement l'opération en cours... D'ici qu'ils préfèrent l'opération de Mittal...