Les inégalités de revenu en France et dans l'OCDE

Publié le par Olivier Bouba-Olga

Quelques éléments/compléments au billet d'hier sur les inégalités de revenu, juste pour situer la France par rapport à d'autres pays de l'OCDE. J'avais déjà évoqué le sujet  ici, pour montrer que les inégalités de revenu en France ont été remarquablement stables sur la période 1980-2000. Je viens de "tomber" sur quelques graphiques source OCDE, je les reprends et les commente rapidement.


Premier graphique : les inégalités en termes de revenu disponible (ie après impôts et transferts) varient fortement d'un pays à l'autre. Les pays les plus égalitaires sont le Danemark, la Suède, les Pays-Bas ; les plus inégalitaires sont le Mexique, la Turquie, la Pologne et les Etats-Unis. La France est dans une situation intermédiaire, avec des inégalités plus faibles que dans la moyenne des pays de l'OCDE. On notera la proximité de la France, de l'Allemagne et de la Belgique.
Deuxième graphique : l'évolution par quintile. L'idée est de décomposer la population en différentes classes : les "pauvres" (quintile inférieur), les "riches" (quintile supérieur), les classes moyennes (quintiles intermédiaires). On regarde ensuite la progression des revenus de chaque classe, on affecte des ---, --, -, =, +, ++, +++ en fonction des évolutions. On retrouve le résultat rappelé plus haut : grande stabilité dans l'évolution des inégalités en France. Globalement, dans l'OCDE, on observe une stabilité dans la situation des pauvres, une détérioration de la situation des classes moyennes, une amélioration de la situation des plus riches. Je vous laisse observer les situations plus précises de chaque pays.
Troisième graphique : une nouvelle décomposition, non plus par classe de revenu, mais par âge. C'est sans doute le graphique le plus saisissant! La France se distingue par une évolution relative très défavorable des "jeunes" entre 26 et 40 ans (que personne ne me dise que les 26-40 ans ne sont plus jeunes :-) ) et particulièrement favorable des 51-65 ans et, dans une moinde mesure, des tranches d'âge encore supérieures. Bref, il fait bon être vieux dans notre doux pays!
Quatrième graphique : la distinction revenu marchand (avant impôt/transfert) et revenu disponible (après impôt/transfert). Entre les deux, l'Etat (au sens large) est passé par là, pour faire de la redistribution. On observe, et c'est heureux!, que dans tous les cas, les inégalités après redistribution sont plus faibles qu'avant, signe que l'Etat "prend aux riches pour donner aux pauvres". Bon, mais plus ou moins cependant, selon les pays! Ca redistribue énormément au Danemark et en Suède, mais aussi en Belgique, et plutôt pas mal en France. Ce graphique est intéressant, car on constate qu'avant redistribution, les inégalités sont beaucoup plus faibles au Danemark (indice de 35 environ) qu'en Belgique par exemple (indice de 45). Les deux pays font un grand effort de redistribution, je dirais même un effort comparable, si bien que l'écart initial entre les deux pays demeure. On peut se dire que pour réduire encore les disparités, la Belgique a intérêt à agir en amont de la redistribution, au niveau de la distribution primaire des revenus. Idem pour la France, qui présente des inégalités avant redistribution somme toute assez fortes...

Complément au complément, maintenant, avec deux graphiques tirés d'une étude de Piketty. Celui-ci a collecté des stats sur la part dans les revenus (avant/après impôt) du décile / centile supérieur, et ce sur très longue période.
S'agissant du décile supérieur (les 10% des foyers les plus riches), on observe un accroissement de leur part dans le revenu total des années 40 au milieu des années 1960, une baisse ensuite jusqu'au début des années 1980, puis un accroissement depuis. Difficile de relier cela à la couleur politique des gouvernements, même si certains ne manqueront pas de souligner que le point de retournement (1982-1983) correspond à la mise en oeuvre de la politique de désinflation compétitive du gouvernement socialiste, politique toujours en vigueur depuis lors...
S'agissant du premier centile, c'est-à-dire vraiment les très très riches (les 1% les plus riches), on observe une stabilité/légère baisse de leur poids depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Leur poids a aussi augmenté, mais plus légèrement que pour le premier décile, de 1982 à 1990.

Pour en revenir au débat Krugman/Mankiw, ces deux derniers graphiques montrent la nécessité de distinguer, sans doute, entre l'analyse des 90/10 et celle des 99/1, comme le suggère aussi Josh Bivens.

Notons pour finir que les graphiques de Piketty ne permettent pas de saisir les effets générationnels, dont on a vu l'importance plus haut.

Publié dans Politique

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N
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N
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J
Article très intéressant.
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E
le troisième graphique est à mon sens le plus interessant et tellement d'actualité en cette période de réduction de fonctionnaire à des fins électorales.<br /> Eh oui, ça sert à quelque chose la redistribution, encore faut-il collecter sur les bons....
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D
A vrai dire, je ne m'étais jamais posé la question de savoir si l'ouvrage de Thomas Piketty sur les hauts revenus était bien tiré de sa thèse, tant il m'était apparu évident que, pour se taper le dépouillement d'un siècle de statistiques fiscales, il fallait être soit fou, soit doctorant. Sinon, attention au moment de se situer dans les groupes d'âges du graphique OCDE : les données, ou plutôt l'enquête revenu des ménages de l'INSEE, date de 2000. En raisonnant en cohortes, et en supposant que les données sont de cette même année 2000, les 26-40 sont nés entre 1960 et 1975, les 41-50 entre 1950 et 1959, et les 51-65 entre 1935 et 1949. Les classes ne sont pas homogènes, les intervalles sont trop larges, et l'effet du baby-boom qui commence en 1944 est en partie noyé dans la masse.  Bref, y'a intérêt à affiner, même si ce que l'on voit là est cohérent avec ce que trouve le sociologue spécialiste des cohortes, Louis Chauvel : http://louis.chauvel.free.fr/index.htm
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