La métaphore de la course à pied
A plusieurs reprises, j'ai pu entendre dans les médias certains commentateurs se désespérer du faible taux de croissance de la France, autour de 2-2,5%, comparativement à la croissance mondiale (4 à 5%), où à la croissance de certains pays comme la Chine (8 à 9%). Dans leur esprit, et, je crois, dans l'esprit de nombre de personnes, tout se passe comme si tous les pays de la planète participaient à une course à pied, le taux de croissance mesurant la vitesse de chacun. Et à ce petit jeu, la France ne pédale pas très vite, comparativement à la moyenne de l'ensemble des pays (taux de croissance mondial)...
Cette métaphore de la course à pied a du sens, mais jusqu'à un certain point seulement : en effet, dans la "course économique", il existe une relation étroite entre la position du coureur dans la course et sa vitesse, relation plutôt contre-intuitive, puisque plus on est en retard sur le peloton de tête et... plus on court vite (ca va faire réver les coureurs du dimanche!). Dit autrement, les coureurs en retard on un avantage indéniable sur ceux qui sont en avance.
Quel avantage? Pour le comprendre, on peut s'en remettre aux théories du rattrapage, développées notamment par Abramovitz (on pourrait également s'en remettre au modèle de Solow, mais Abramovitz intègre l'argumentation de Solow qui se concentre sur le rôle de la décroissance des rendements du capital, et la dépasse en intégrant l'existence de différences de niveau technologique) : si l'on admet que l'apprentissage et l'imitation sont moins coûteux et plus rapides que la découverte et l'expérimentation initiale des technologies, alors les gains potentiels de productivité réalisés par un pays en retard seront d'autant plus importants que l'écart entre le niveau de productivité du pays et le niveau de productivité du ou des leaders (supposés se trouver à la frontière technologique) est important. Le pays en retard pourra en effet remplacer des équipements obsolètes par des machines "derniers cris", adopter les pratiques manageriales considérées comme plus efficaces, mettre en place les infrastructures (formation, transport, télécommunication,...) les plus avancés, etc... Ces gains importants de productivité conduisent à une croissance rapide du produit global et, donc, de la taille du marché ; ce qui permet d'accélerer encore la croissance, en vertu de l'existence d'économies d'échelle.
Ceci explique pour une bonne part la croissance actuelle de pays comme la Chine ou les Pays d'Europe Centrale et Orientale, le rattrapage étant alimenté notamment par les investissements directs étrangers de firmes occidentales. Se désespérer des comparaisons de taux de croissance entre la France et le taux de la croissance mondiale n'a donc pas de sens, et ce d'autant moins que des pays comme la Chine ou l'Inde se développent et pèsent de plus en plus dans le PIB mondial. C'est la comparaison des taux de croissance de pays de niveau de développement comparable qui importe.
Tout ceci ne signifie pas que tout va bien côté France. Il convient en effet de s'interroger sur la faible croissance de l'économie française comparativement aux taux de croissance d'autres économies européennes ; ou à la faible croissance européenne, comparativement à celle de l'économie américaine. Bref, au différentiel de croissance entre des pays de niveau de développement comparable. Econoclaste a commencé à en parler en se focalisant sur la question du temps de travail, avec une comparaison Europe/Etats-Unis. J'essaie d'y revenir aussi, avec des analyses différentes, plutôt complémentaires.
Cette métaphore de la course à pied a du sens, mais jusqu'à un certain point seulement : en effet, dans la "course économique", il existe une relation étroite entre la position du coureur dans la course et sa vitesse, relation plutôt contre-intuitive, puisque plus on est en retard sur le peloton de tête et... plus on court vite (ca va faire réver les coureurs du dimanche!). Dit autrement, les coureurs en retard on un avantage indéniable sur ceux qui sont en avance.
Quel avantage? Pour le comprendre, on peut s'en remettre aux théories du rattrapage, développées notamment par Abramovitz (on pourrait également s'en remettre au modèle de Solow, mais Abramovitz intègre l'argumentation de Solow qui se concentre sur le rôle de la décroissance des rendements du capital, et la dépasse en intégrant l'existence de différences de niveau technologique) : si l'on admet que l'apprentissage et l'imitation sont moins coûteux et plus rapides que la découverte et l'expérimentation initiale des technologies, alors les gains potentiels de productivité réalisés par un pays en retard seront d'autant plus importants que l'écart entre le niveau de productivité du pays et le niveau de productivité du ou des leaders (supposés se trouver à la frontière technologique) est important. Le pays en retard pourra en effet remplacer des équipements obsolètes par des machines "derniers cris", adopter les pratiques manageriales considérées comme plus efficaces, mettre en place les infrastructures (formation, transport, télécommunication,...) les plus avancés, etc... Ces gains importants de productivité conduisent à une croissance rapide du produit global et, donc, de la taille du marché ; ce qui permet d'accélerer encore la croissance, en vertu de l'existence d'économies d'échelle.
Ceci explique pour une bonne part la croissance actuelle de pays comme la Chine ou les Pays d'Europe Centrale et Orientale, le rattrapage étant alimenté notamment par les investissements directs étrangers de firmes occidentales. Se désespérer des comparaisons de taux de croissance entre la France et le taux de la croissance mondiale n'a donc pas de sens, et ce d'autant moins que des pays comme la Chine ou l'Inde se développent et pèsent de plus en plus dans le PIB mondial. C'est la comparaison des taux de croissance de pays de niveau de développement comparable qui importe.
Petit exemple numérique pour bien comprendre les incidences du processus : supposons qu'en 2000 le PIB mondial est de 110 (100 pour les pays développés, 10 pour les pays en développement). Supposons que le taux de croissance des pays développés est de 3% par an, celui des pays en développement, qui bénéficient de l'effet rattrapage, étant de 10% par an. Le taux de croissance mondial est alors, en 2000, de 3,64% = (10/110)*10% + (100/110)*3%. En supposant la constance des taux de croissance dans les PVD d'une côté (10%) et dans les pays développés, de l'autre (3%), on observe que le taux de croissance de l'économie mondiale va constamment augmenter, passant de 3,64% en 2000 à 4,90% en 2020. Leur poids croissant dans l'économie fait augmenter mécaniquement le taux de croissance mondial.

La France, qui accuse un écart de -0,64% à la date initiale (3%-3,64%), verra cet écart passer à -1,90% en 2020 (3%-4,90%), là encore sous l'effet bêtement mécanique du poids croissant des PVD. Ceci n'a rien de choquant : les performances supérieures des pays comme la Chine, l'Inde ou les PECO sont plutôt une bonne nouvelle, car elles signifient que ces pays se développent, que le niveau de vie de leurs populations s'améliore (plus ou moins vite et de manière plus ou moins égalitaire selon les pays) ; bref, tendent à converger vers le niveau de vie des pays développés.
L'hypothèse selon laquelle leur taux de croissance est constant est bien sûr critiquable : au fur et à mesure de leur développement, ces pays bénéficient de moins en moins de l'effet rattrapage. Ils se rapprochent de la frontière technologique, leur croissance dépendant alors de plus en plus de leur capacité à repousser cette frontière, autrement dit de leur capacité à innover, plutôt qu'à imiter les produits, procédés et modes organisationnels des pays développés. Croire également que tous les pays en développement bénéficient mécaniquement du rattrapage est erroné. Abramovitz, qui en a bien conscience, avance ainsi la proposition suivante : les pays qui pourront bénéficier du rattrapage sont les pays technologiquement en retard mais socialement avancés. Ce faisant, il pointe du doigt l'importance des institutions, bien avant que ne se développent les réflexions en termes de convergence conditionnelle (je reviendrai à ces analyses dans un prochain billet).
La France, qui accuse un écart de -0,64% à la date initiale (3%-3,64%), verra cet écart passer à -1,90% en 2020 (3%-4,90%), là encore sous l'effet bêtement mécanique du poids croissant des PVD. Ceci n'a rien de choquant : les performances supérieures des pays comme la Chine, l'Inde ou les PECO sont plutôt une bonne nouvelle, car elles signifient que ces pays se développent, que le niveau de vie de leurs populations s'améliore (plus ou moins vite et de manière plus ou moins égalitaire selon les pays) ; bref, tendent à converger vers le niveau de vie des pays développés.
Tout ceci ne signifie pas que tout va bien côté France. Il convient en effet de s'interroger sur la faible croissance de l'économie française comparativement aux taux de croissance d'autres économies européennes ; ou à la faible croissance européenne, comparativement à celle de l'économie américaine. Bref, au différentiel de croissance entre des pays de niveau de développement comparable. Econoclaste a commencé à en parler en se focalisant sur la question du temps de travail, avec une comparaison Europe/Etats-Unis. J'essaie d'y revenir aussi, avec des analyses différentes, plutôt complémentaires.