Fabriqué en France
Ce qui est bien avec les élections présidentielles, c’est que ça permet de mettre au débat les sujets importants. Comme dit dans le précédent billet, le débat en cours concerne les relocalisations et le « fabriqué en France ». L’avenir de la France est en train de se jouer sous nos yeux.
François Bayrou, donc, prône la labellisation des produits français s’il est élu président. Notre président lui a rétorqué qu’il ne fallait pas acheter des produits français, mais des produits fabriqués en France. Il aurait pu ajouter que ça fait plus de deux ans (octobre 2009) qu’il s’occupe de cette affaire, puisqu’il a commandé un rapport à Yves Jégo sur le sujet, rapport livré en mai 2010 et intitulé « en finir avec la mondialisation anonyme ». Tout un programme. Maxime Kormyslov (ICN Business School Nancy-Metz) a été le seul chercheur auditionné par Yves Jégo. J’ai réussi péniblement à trouver cet article de recherche , où il démontre « L’importance du pays de création ainsi que la sensibilité plus accrue des Français au pays d’origine » (dixit le résumé), sur la base d’une étude qualitative auprès de … 17 consommateurs (8 français et 9 russes). Ca, c’est de la recherche en béton, les chercheurs des Universités n’ont qu’à bien se tenir.
Suite à ce rapport, le bureau Véritas a été chargé de certifier le label « Origine France Garantie » créé par l’association Pro France, elle-même créée en juin 2010. Pour bénéficier de ce label, plusieurs conditions, dont la plus importante est la suivante : 50% à minima du prix de revient unitaire est français et le produit prend ses caractéristiques essentielles en France.
Bon, le côté « caractéristiques essentielles » est plutôt flou, mais sinon, ça a l’air costaud : il suffit de voir le poids dans les achats d’une entreprise des achats fait auprès de fournisseurs français. Si on dépasse les 50%, c’est bon.
En fait, c’est plus compliqué… Considérons un bien constitué de l’assemblage de deux composants. L’entreprise qui assemble fabrique en France le premier composant et achète à une autre entreprise le deuxième composant. Si cette autre entreprise est localisée en France, on est tenté de dire que 100% du prix de revient est d’origine française. Ben oui, mais si pour fabriquer ce composant, elle achète elle-même à 90% à des entreprises étrangères ? Ou si, à l’inverse, la première entreprise achète à une entreprise étrangère qui se livre pour l’essentiel en France ? Et les fournisseurs des fournisseurs des fournisseurs ? Paraît qu’ils prennent 3000€ aux entreprises pour étudier la certification chez Véritas. Perso, ça me semble pas beaucoup, parce que ça devient vite un vrai casse-tête…
En tout cas, l’initiative Sarkozy-Jégo marche du tonnerre : on apprend en effet sur le site de Véritas qu’ils ont déjà certifié près d’une quarantaine de produits. En consultant la liste, ces 40 produits concernent en fait 16 entreprises. 16 entreprises certifiés en 8 mois. 2 par mois. Comme il y a environ 2 800 000 entreprises en France, y’a encore un peu de boulot. Mais ça fait déjà 0,000057% d’entreprises labellisées. Il n’en reste plus que 99,99943% à convaincre.
En tout cas, si vous voulez sauver l’économie française, consultez la liste des entreprises labellisées et comportez-vous en conséquence : skis alpins injectés de taille supérieure à 110 cm Rossignol aux pieds, Bière Kronembourg 1664 pur malt à la main, montures de lunettes collection NU d’Atol gamme Nylor sur les oreilles et tête dans un four Fagor Brandt. Ou dans un lave linge top de la même marque, au choix.
PS. : au fait, c'est made in quoi, les Rolex?