Procès Kerviel
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Ni le témoignage de Catherine Lubochinsky, professeur d'économie à Paris 2. Je le reproduis ci-dessous.
Je ne suis pas juriste, Kerviel sera peut-être condamné pour une chose ou l'autre. Mais la ligne de défense de la Société Générale m'apparaît de plus en plus intenable...
11h10: Catherine Lubochinsky est appelée à la barre.
Elle est citée par la défense. Elle est prof au Master finances de Paris II. Elle travaille sur les taux d'intérêts et les produits dérivés.
11h15: "C'est bizarre"
Elle fait un cours sur les marchés dérivés, ceux organisés et ceux entre gré à gré entre banques...Sur les premiers, il y a des chambres de compensation, pas sur les seconds. Elle se demande comment ces flux de 50 milliards ont pu ne pas apparaître. Quand il gagne fin 2007 1,4 milliard, "où est ce milliard dans les comptes de la Soc gen, car il est quelque part", commence-t-elle, précisant qu'elle n'avait pas la réponse. Kerviel est-il un trader, qui spécule, ou quelqu'un qui fait des arbitrages, des opérations avec peu de risques, se demande-t-elle encore. "Je n'ai toujours pas compris quel était le métier de J. Kerviel, était-il market-maker, était-il gestionnaire de risques, était-il gestionnaires pour des tiers, était-il arbitragiste", se demande-t-elle. D'après elle, il était un peu de tout. "C'est bizarre", note-t-elle, précisant que le code de la finance empêche ce cumul.
11h25: Des éléments "surprenants" selon la témoin
Elle s'interroge aussi sur le milliard en trésorerie de Jérôme Kerviel qui n'a pas attiré l'attention des supérieurs de Kerviel. "Un déséquilibre d'1 milliard, c'est beaucoup, quand la limite de position était de 125 millions", note-t-elle. Autre point "surprenant", c'est quand Kerviel annonce un bonus de 55 millions d'euros, quand la limite en risque est de 125 millions d'euros pour le desk. Soit un rendement de 45%. "Ce rendement ne se conçoit pas sans un risque à la hauteur", dit-elle et c'est ce qu'elle dit à ses étudiants. "Si on m'annonce j'ai un rendement de 45% avec un engagement à 125 millions d'euros je me pose des questions", dit-elle. Elle dit s'être fondé sur l'ordonnance de renvoi, sur lequel elle note "des approximations" notamment sur le "vocabulaire".
11h27: "Ils sont tous coupables"
Le ministère public lui demande son jugement sur l'affaire: "Ba ils sont tous coupables". La salle se gausse. "Le contrôle n'a pas fonctionné, c'est pas moi qui le dit c'est la Commission bancaire qui a infligé l'amende quasiment maximale", explique-t-elle avec une gouaille pleine de fraîcheur. "Maintenant je ne dis pas que c'est l'ensemble de la banque qui ne va pas. C'est une des meilleures banques du monde", reprend-elle. "Il y a eu un excès de confiance avec le front office. Il y a toujours eu des relations difficiles entre le front et le back office", rappelle-t-elle. "Une excellente banque victime de son excès de confiance", dit-elle. Elle prend une métaphore et dit que si on demande aux "hommes de la salle" si ils pensent conduire mieux que la moyenne, 80% des hommes lèveront la main. "Excès de confiance", c'est pareil dans les salles de marchés dit-elle, se basant sur la finance comportementale. Elle ne comprend pas non plus "pourquoi il n'a pas été sorti de la salle de marché" en 2005 quand Jérôme Kerviel a fait une grosse erreur.
11hh37: "Il y a des délinquants, comme dans tous les métiers"
"Il y a quand même des délinquants, comme dans tous métiers, sinon vous seriez tous au chômage", continue-t-elle. La salle rit, le président un peu moins. "Un être humain est un être humain, ce ne sont pas des machines". Le président rappelle que ces humans brassent des milliards. "Au bout de quelques zéros, on ne fait plus la différence", dit-elle. Elle explique que dans les banques anglo-saxonnes, les jeunes sont recrutées mais envoyées en formation avant de commencer.
11h39: Le show Lubochinsky
Pendant que Catherine Lubochinsky féraille avec le président, Jérôme Kerviel semble détendu puisque l'exposé du témoin lui est plutôt favorable. En revanche, Me Jean Veil, avocat de la banque, semble circonspect. Le président lui demande si l'itinéraire de Jérôme Kerviel, du middle au front office, est logique. Elle semble penser que ça se tient et rappelle qu'avant, les employés de la banque faisaient le tour de tous les métiers. "Ce n'est pas une aberration", soutient-elle.
11h43: Entre Racine et Corneille
Me Veil interroge le désormais le témoin. Il parle de Corneille et Racine, le premier, qui décrit les hommes tels qu'ils sont et le second tels qu'il devraient être. Il lui demande si son témoignage es plutôt Corneille ou Racine. Réponse: "Ah je ne savais pas qu'il fallait faire de la litterature ici"! La salle rit encore. En fait il veut savoir si sa lecture du dossier est dictée par l'idéal ou le réel. Me Veil répond: "Plutôt Racine donc!". "M'enfin, s'il y a 1 milliard, c'est du réel!", répond elle. Il lui demande si la fraude est consubstantielle à la finance. "Non, elle est consubstantielle à l'être humain", répond elle. "Ah vous êtes plutôt Corneille alors", raille Me Veil. D'après elle, le comportement de Kerviel est dû à un excès de confiance, et comme un délinquant qui ne se fait pas prendre, contine et augmente ses délits. Jusqu'à prendre des "positions irréalistes", "avec une perte de notion de la réalité".
11h57: "Sauf si on ne veut pas le voir"
Me Metzner l'interroge désormais. Et lui demande si on prend certaines positions comme les futures, sans contreparties, si ça se voit ou pas. Pour 100.000 futures, il faut un milliard de garanties, rappelle-t-elle. Ce n'est pas rien. Il lui demande si le milliard de gain doit se voir. "Oui". Il y a une implication comptable, demande-t-il. "Oui puisqu'il est là". Et reprend: "sauf si on ne veut pas le voir". "On est d'accord", acquiesce Metzner.
12h00: Fous rires
Me Metzner l'interroge sur le comportement de Kerviel. "D'après des études scientifiques, le taux de testostérone est plus élevés chez les traders", commence-t-elle, expliquant qu'il faudrait peut-être un peu plus de femmes. Explosion de rires dans la salle. Claire Dumas, pour la Société générale, et les avocats à côté d'elles, part dans une crise de fou rires. Sur les marchés, les traders ont besoin d'avoir peur", ajoute-t-elle...Me Metzner l'interroge désormais sur les lettres d'alertes d'Eurex, qui auraient dû alerter. Bien sûr dit-elle, c'est la moindre des choses de poser des questions.