Stratégies absurdes dans la police et la gendarmerie
Nouvelle illustration des dégats résultant d'un management centré sur la définition et le suivi d'indicateurs de performance, avec cette interview de Laurent Mucchielli, Directeur de Recherches au CNRS.
Extraits :
Ainsi, si le nombre de morts sur les routes ne baisse plus, on demande de refaire un maximum de contrôles routiers. Mais les infractions routières ne sont pas « rentables », parce que non comptabilisées dans l'état 4001. Donc, on ne peut pas le faire trop longtemps, sinon on risque de se faire réprimander pour ses « mauvais chiffres ». Alors on ira faire des ILS (infractions à la législation sur les stupéfiants) ou des ILE (infractions à la législation sur les étrangers) et on s'occupera davantage de toutes les atteintes aux personnes, même les plus bénignes parce que ça c'est très « rentable » au contraire. Ce sont des faits constatés et surtout des faits élucidés.
(...)
il faut comprendre que les « indicateurs de performance » ne rendent compte que d'une partie des activités des fonctionnaires : l'activité répressive. Or, dans les services non spécialisés (qui sont les plus nombreux), sur le terrain, au quotidien, souvent la moitié voire davantage encore du temps de travail des policiers et gendarmes est un travail d'urgence sociale, de police secours. Mais cette part plus sociale du métier n'est pas reconnue, elle est même souvent dévalorisée. Il n'y a aucun indicateur pour cela et c'est très regrettable. Le temps de patrouille, de discussion, d'aide sociale finiront par être conçus comme du temps perdu. Ce jour là, la coupure entre police et population sera achevée.
Une bonne nouvelle cependant : le nombre de gardes à vue n'est plus un indicateur positif de performance policière. Leur nombre devrait donc rapidement diminuer...
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