Géographies de la finance mondialisée

Dupuy C., Lavigne S., 2009, Géographies de la finance mondialisée, La Documentation Française

S'il y a un marché qui, sous l'effet de la libre circulation des capitaux et du développement des technologies de l'information et de la communication, est intégré à l'échelle mondiale, un marché pour lequel le monde est plat, c'est bien celui de la finance... du moins croit-on...


En fait non, pas du tout : la finance a encore une géographie. C'est ce que montre un ouvrage dirigé par Claude Dupuy et Stéphanie Lavigne, intitulé Géographies de la finance mondialisée, qui vient de paraître à La Documentation Française.

Première indicateur de cette géographie, la concentration de la capitalisation mondiale : les dix premières places boursières rassemblent 89,72% de l'ensemble (p. 9), la première (la bourse américaine) en concentrant à elle seule 32% (p. 36). Deuxième indicateur, l'existence d'un "biais domestique" (ce que d'autres appellent une "préférence nationale") des acteurs dans la gestion de leur portefeuille : les investisseurs nord-américains placent 94,6% de leurs actifs sur le marché nord-américain, les investisseurs européens placent 85,6% des leurs sur leur propre marché, cette part étant également de 83,9% pour les investisseurs asiatiques (p. 43). Troisième indicateur, la permanence d'une variété de capitalisme, avec des modèles associés à chaque grande zone : un modèle anglo-saxon, caractérisé par la domination des investisseurs institutionnels, des détentions individuelles, des private equities et des fonds d'université, un modèle asiatique où dominent les participations d'Etat et le financement bancaire et un modèle européen, qui conserve la marque d'un capitalisme bancaire, familial et étatique (p. 44).

Les différents chapitres de l'ouvrage mettent en évidence cette géographie de la finance et s'interrogent sur les forces de convergence des différents modèles observés et, à l'inverse, sur les forces de résistance. Le chapitre 4 met par exemple en évidence le maintien de la diversité du capitalisme en Asie alors que le chapitre 5, qui se focalise sur les pays européens, montre une certaine tendance à l'harmonisation des structures actionnariales à la faveur des gestionnaires de portefeuille.

Ouvrage vraiment intéressant, car les analyses proposées s'appuient sur un ensemble de statistiques d'une grande richesse, qui permettent à la fois d'identifier les tendances lourdes à l'oeuvre et les évolutions plus récentes consécutives à la crise. Ce qui tranche avec les nombreuses analyses du capitalisme financier, où manquent souvent des éléments de preuve empiriques.
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