Jeu concours pour les économistes/sociologues blogueurs

Publié le par Olivier Bouba-Olga

Joli cas à traiter : Peter Ilic, propriétaire de 6 restaurants à Londres, a proposé aux clients, dans l'un d'entre eux, Little Bay, de payer ce qu'ils voulaient.

On devine bien le pari du restaurateur : même si les clients ne payent pas, je me fais un énorme coup de pub. Le manque à gagner est donc le prix de la publicité. Et le coup de pub a été gigantesque, avec des reportages un peu partout sur la planète.

De plus, surprise, rares ont été les clients ne donnant rien, ils ont déboursé autant, voire légèrement plus, qu'en temps normal...

On appréciera enfin les raisons pour lesquelles le restaurateur a décidé d'arrêter : "Parce que je ne peux pas être tout le temps ici à contrôler que les serveurs n'encaissent pas l'argent pour leur compte". Belle petite illustration d'un problème d'agence.

Bon, mais c'est le deuxième point qui m'interpelle et pour lequel je lance un appel aux économistes ou sociologues blogueurs, et à tout ceux qui voudront bien répondre : comment expliquer que les clients laissent de l'argent?  Allez, les éconoclastes, ecopublix, mafeco, Etienne, Gizmo et tous les autres, je compte sur vous!

PS : récompense toute trouvée pour l'explication la plus convaincante : un repas au Little Bay, c'est moi qui paye!

Publié dans Jeux

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B
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T
Ma réponse sera plutôt touristique : il faut à mon sens se poser la question du motif d'une sortie au restaurant (même gratuit)!? Et là on se tourne vers la règle d'or des restaurateurs : les 4 A !<br /> Quesaco ??? Ce sont les caractéristiques attendues par un client quand il va au restaurant, ce qui donne par ordre décroissant (rien avec à voir avec une quelconque théorie économique...) :<br /> 1) l'Accueil<br /> 2) l'Ambiance<br /> 3) l'Assiette<br /> 4) l'Addition <br /> Si les clients ont payé, c'est d'abord qu'ils ont trouvé que la prestation en valait la peine sur les trois premiers items de la règle des 4 A. Après, c'est l'usage socio-économique d'une prestation commerciale dans une société de consommation et peut-être aussi la pression sociale(groupe, amis...) qui a fait le reste. Au fait Olivier, how much for a dinner at "Little Bay's" ???
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S
Bonjour,il me semble que l'hypothèse de Marcel Mauss dans l'essai sur le don ([1923/24], 1950) peut trouver une application ici. Pour lui, le donc comporte trois obligations : obligation de donner, obligation de recevoir et obligation de rendre. Pour expliquer l'obligation de rendre Mauss a recours à une<br /> @page { margin: 2cm }<br /> P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt }<br /> P { margin-bottom: 0.21cm }<br /> A.sdfootnoteanc { font-size: 57% }<br /> --><br /> parabole : le Hau, l'esprit de la chose donnée. Le Hau est une expression de Ranapiri, l'informateur maori d’Eldson Best. C'est la croyance que celui qui ne rend pas est puni par la vangeance des esprits de la chose donnée. Cette notion particulièrement discutée dans le domaine de l'anthropologie a également fait l'objet d'une étude montrant que les commentateurs critiques de Mauss ont discuté de la validité de la théorie de l'échange sans prendre en compte la manière dont celui-ci a sélectionné ce texte maori de référence (Kilani, 1995). Si nous appliquons - cet extrait de ma thèse - au problème du restaurant les clients paient non sous une quelconque pression sociale mais pour éviter d'être punis par le hau des aliments qu'ils ont mangé. En clair, s'ils ne paient pas un juste prix ils ont peur de la gastro ;-)Si je ne gagne pas avec çà !!!!
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B
L'idée de norme collective théorisée par Un gars... me semble très pertinente. Et j'en propose une illustration parfaite dans le domaine de la culture. Il y a quelques années, je retapais avec un groupe une forteresse moyen-âgeuse et nous proposions des visites dont la rémunération était laissée au bon vouloir des visiteurs. La moyenne des visiteurs donnait environ 2F (0,30 €) pour une visite de 40 min. Pour peu qu'il y ait dans le groupe quelques habitués des visites de monuments et donc plus sensibles à la norme dans ce secteur (4 ou 5 € aujourd'hui, 20 ou 30 F peut etre à l'époque pour une visite guidée) l'ensemble des visiteurs se sentait obligé de donner plus, et ceci dans des proportions importantes (nous n'avions plus les habituels centimes mais une abondance de pièces de 5 et 10F). Ce qui montre bien que le moteur principal de la rémunération dans ce genre de cas est la pression sociale, la peur de passer pour le goujat (même aux yeux de parfaits inconnus), la norme collective imposée à l'individu.Pour le cas particulier du restaurant, la pression sociale s'exerce avant tout par le serveur : intermédiaire entre le client et le patron, c'est son regard que le client qui ne donne rien ou presque devra affronter (et c'est pour cela qu'il donne). Et elle s'exerce aussi par les autres clients (si j'avais un restaurant avec cette formule, je rapprocherais les tables pour que les clients puissent discuter et surtout que tout le monde sache ce que paye tout le monde, moyen irrémédiable d'accentuer la pression sociale).
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U
Le client ressent une sorte de pression sociale qui l'oblige à payer. Pourquoi d'ailleurs paye-t-il à peu près la même somme qu'en temps normal? D'abord parce qu'il sait, implicitement, combien vaut le repas. Ensuite parce que le rapport social "face à face" avec le restaurateur l'oblige à proposer un prix que la société globale considère comme juste. En fait, c'est un ensemble très vaste de normes intégrées de la société qui sont concentrées dans les rapports entre deux personnes - le patron et le client. Le client - sauf s'il désire se couper délibérément de la société dans laquelle il vit, et personne, malgré de touchantes déclarations de principe, ne le désire vraiment - est obligé de jouer le jeu au-delà d'un seuil jugé acceptable par les normes communes. Ce principe est à rapprocher du système du marchandage dans les pays moyen-orientaux: en théorie, chacune des deux parties pourrait exiger n'importe quelle somme, mais en pratique, chacun cherche à rester dans la fourchette entre le bénéfice maximum possible qui tient compte des calculs du partenaire et le prix socialement acceptable. Ce dernier point est essentiel: si vous proposez un prix fantaisiste, vous humiliez votre partenaire, car soit vous le prenez effrontément et publiquement pour un idiot, soit vous lui avouez explicitement que vous cherchez à l'arnaquer. Or ces deux comportements ne sont pas socialement acceptables, et pas seulement dans le cadre d'une stricte affaire privée, mais dans l'ensemble des structures globales des rapports sociaux. Un autre exemple est le système des pourboires aux Etats-Unis. Vous pouvez en théorie laisser ce que vous voulez - aucune loi ne vous oblige à en donner - mais sachant que les serveuses ne sont quasiment payées qu'avec cela, une norme implicite s'est instituée, qui contraint le consommateur non seulement à laisser un pourboire, mais surtout à laisser la somme adéquate. Ce chiffre, assez complexe à appréhender pour un européen, correspond à ce que la communauté considère comme un chiffre acceptable pour le service rendu. Conclusion: même lorsque je suis seul dans un bar dans lequel je suis sûr de ne jamais revenir, je laisse quand même le pourboire. Ce n'est ni de l'altruisme, ni même de la réciprocité; c'est davantage l'intégration individuelle d'une norme collective.
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