Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?
Nouveau débat en cours : la suppression/modulation du quotient familial proposée par François Hollande. Nicolas Sarkozy a rétorqué que "Ce serait une folie. C'est quand même quatre millions et demi de familles qui sont concernées. C'est un coup porté à notre politique familiale. Elles y perdraient beaucoup" (source). Diantre, rien que cela... Je me suis empressé d'aller chercher quelques éléments côté recherche académique, histoire de mesurer l'ampleur de la folie dans laquelle nous allons tous plonger.
La meilleure référence que j'ai pu trouver (n'hésitez pas à poster d'autres références) est cet article de Camille Landais de 2004, précisément intitulé "Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?". Voici le résumé :
Dans cette étude, nous exploitons les variations des mesures familiales de la législation de l’impôt sur le revenu afin d’estimer l’impact des incitations financières sur la fécondité à partir de la méthode dite des « expériences naturelles ». Nous utilisons des données annuelles issues du dépouillement exhaustif de l’ensemble des déclarations de revenus par l’administration fiscale depuis 1915. Nous avons exploité deux expériences naturelles, le plafonnement des effets du QF en 1981 et l’introduction de la demi-part supplémentaire au troisième enfant en 1980, qui semblent indiquer que l’impact des politiques d’incitations fiscales sur la fécondité est positif, mais toujours extrêmement faible. Néanmoins, même s’ils demeurent très faibles, ces effets présentent deux caractéristiques remarquables. Ils sont tout d’abord très lents à se diffuser (5 à 10 ans). Ils sont ensuite assez clairement dissymétriques en fonction du rang de naissance et du niveau de revenu : la politique de troisième enfant a une certaine efficacité quoique très restreinte et les très hauts revenus sont légèrement plus sensibles aux incitations fiscales que les hauts revenus.
Je vous livre également la dernière phrase de sa conclusion (petite précision : Landais parle d'étrange "policy mix" car l'Etat a pris sur la période des décisions plutôt contradictoires avec d'un côté le plafonnement des effets du QF et de l'autre un soutien vigoureux aux familles nombreuses) :
En dernier recours, cet étrange « policy mix » a permis à l’État d’économiser des sommes conséquentes (de l’ordre de 4,5 milliards de francs courants pour la seule année 1982 au niveau du dernier centile, d’après nos propres estimations !), sans détériorer pour autant la fécondité des hauts revenus.
Contrairement à l'affirmation de notre Président (et des quelques ministres dont j'ai pu entendre les cris horrifiés hier dans les médias), modifier les incitations proposées par l'Etat ne semble pas bouleverser les comportements des acteurs. Dès lors, si l'évolution proposée par Hollande s'inscrit dans le cadre plus large d'une réforme fiscale de nature plus progressive, je vote pour cette folie douce...