Hue cocotte ! (Seb part en Chine)
Seb est sous les feux de l'actualité avec le rachat de l'entreprise Zhejiang Supor Cookware, leader chinois du matériel de cuisine. On en parle un peu partout dans les médias, par exemple ici. DirtyDenis aussi, qui s'énerve contre la réaction du délégué CGT (add : pendant qu'Etienne s'énerve contre le PDG du groupe).
Quelques commentaires à chaud et dans le désordre :
1. on notera qu'il ne s'agit pas d'une délocalisation (fermeture d'un site en France suivi de sa réouverture en Chine), mais d'une acquisition. On redoute bien sûr, côté français, des licenciements voire fermetures de sites. Tout ca pour dire que l'analyse des nouvelles géographies du capitalisme ne peut se réduire à l'analyse des délocalisations au sens strict.
2. le motif essentiel évoqué ne relève pas d'un problème de réduction des coûts de production, mais d'un objectif d'accès à de nouveaux marchés en croissance forte. La Chine attire au moins autant par sa demande que par le coût de sa main d'oeuvre (une étude de la Banque de France de 2004 estime qu'environ 50% des IDE vers la Chine sont motivés par une volonté de réduire les coûts, 50% par une volonté d'accéder à une nouvelle demande). Ceci n'est pas anecdotique : l'Europe souffre actuellement sans doute moins d'un désavantage en termes de coûts que d'un problème de croissance faible.
3. En accédant au marché chinois, Seb va pouvoir mieux connaître ce marché, et sans doute écouler, aussi, à plus ou moins long terme, des produits plus haut de gamme, dont certains sont fabriqués en France. Le bilan en termes d'emplois, en France, n'est donc pas nécessairement négatif. Il sera en revanche très certainement biaisé : diminution des emplois les moins qualifiés, augmentation des emplois les plus qualifiés. Avec une transition à gérer si possible efficacement.
4. La comparaison des coûts de production n'est pas si simple qu'il y paraît. Alors, certes, Le Monde ressort le sempiternel "les coûts de production y sont [en Chine] parfois 50 fois plus faibles qu'en France" (à mon avis, l'ordre de grandeur concerne plutôt le coût du travail, pas les coûts de production, ce qui n'est absolument pas la même chose, cf. ce que mes explications dans Les Nouvelles Géographies du Capitalisme), mais en fonction du produit fabriqué, des coûts de production et des coûts de coordination, des compétences à mettre en oeuvre, etc... l'avantage peut être inversé. Pour preuve la déclaration d'un responsable de Seb, en octobre 2005 : « Sur un fer à repasser dont la fabrication est très automatisée et où l'on est leader mondial avec 10 millions de fers produits par an, notre prix de revient en Europe est de 20% inférieur à celui que nous pourrions obtenir en Chine » (source ici, article très bien fait des Echos, qui permet de bien comprendre la stratégie actuelle de Seb).
5. On ne peut donc pas réduire la stratégie de Seb a une seule proposition du genre : "hue cocotte, tous en Chine, les coûts y sont si bas!". Pour certains produits, Seb délocalise. Pour d'autres, Seb a intérêt à produire en Europe et en France. En fonction de la dynamique de chacun des segments et de la qualité du positionnement de Seb, l'emploi en France sera soit gagnant, soit perdant.
6. Si Seb prend maintenant le contrôle de l'entreprise Chinoise, c'est parce que la réglementation chinoise a évolué : on peut maintenant acquérir une entreprise sans payer en cash, mais en actions. En gros, Seb rachète en faisant ce que Mittal voulait faire avec Arcelor (payer pour l'essentiel en action), chose qu'en France on a vivement critiqué. [Au fait, en passant, j'espère que chacun aura apprécié l'évolution des relations entre les responsables de Mittal et Arcelor...]
7. Je ne dis pas non plus que l'opération de Seb est nécessairement et a priori gagnante : il faut savoir qu'environ 1/3 des IDE sont des échecs, en raison, notamment, d'une sous-estimation des coûts de la coordination à distance. Disons plutôt que, compte tenu des infos disponibles aujourd'hui, il me semble que l'opération est plutôt pertinente et sans doute profitable à l'économie française, y compris en termes d'emplois...
Affaire à suivre...
Quelques commentaires à chaud et dans le désordre :
1. on notera qu'il ne s'agit pas d'une délocalisation (fermeture d'un site en France suivi de sa réouverture en Chine), mais d'une acquisition. On redoute bien sûr, côté français, des licenciements voire fermetures de sites. Tout ca pour dire que l'analyse des nouvelles géographies du capitalisme ne peut se réduire à l'analyse des délocalisations au sens strict.
2. le motif essentiel évoqué ne relève pas d'un problème de réduction des coûts de production, mais d'un objectif d'accès à de nouveaux marchés en croissance forte. La Chine attire au moins autant par sa demande que par le coût de sa main d'oeuvre (une étude de la Banque de France de 2004 estime qu'environ 50% des IDE vers la Chine sont motivés par une volonté de réduire les coûts, 50% par une volonté d'accéder à une nouvelle demande). Ceci n'est pas anecdotique : l'Europe souffre actuellement sans doute moins d'un désavantage en termes de coûts que d'un problème de croissance faible.
3. En accédant au marché chinois, Seb va pouvoir mieux connaître ce marché, et sans doute écouler, aussi, à plus ou moins long terme, des produits plus haut de gamme, dont certains sont fabriqués en France. Le bilan en termes d'emplois, en France, n'est donc pas nécessairement négatif. Il sera en revanche très certainement biaisé : diminution des emplois les moins qualifiés, augmentation des emplois les plus qualifiés. Avec une transition à gérer si possible efficacement.
4. La comparaison des coûts de production n'est pas si simple qu'il y paraît. Alors, certes, Le Monde ressort le sempiternel "les coûts de production y sont [en Chine] parfois 50 fois plus faibles qu'en France" (à mon avis, l'ordre de grandeur concerne plutôt le coût du travail, pas les coûts de production, ce qui n'est absolument pas la même chose, cf. ce que mes explications dans Les Nouvelles Géographies du Capitalisme), mais en fonction du produit fabriqué, des coûts de production et des coûts de coordination, des compétences à mettre en oeuvre, etc... l'avantage peut être inversé. Pour preuve la déclaration d'un responsable de Seb, en octobre 2005 : « Sur un fer à repasser dont la fabrication est très automatisée et où l'on est leader mondial avec 10 millions de fers produits par an, notre prix de revient en Europe est de 20% inférieur à celui que nous pourrions obtenir en Chine » (source ici, article très bien fait des Echos, qui permet de bien comprendre la stratégie actuelle de Seb).
5. On ne peut donc pas réduire la stratégie de Seb a une seule proposition du genre : "hue cocotte, tous en Chine, les coûts y sont si bas!". Pour certains produits, Seb délocalise. Pour d'autres, Seb a intérêt à produire en Europe et en France. En fonction de la dynamique de chacun des segments et de la qualité du positionnement de Seb, l'emploi en France sera soit gagnant, soit perdant.
6. Si Seb prend maintenant le contrôle de l'entreprise Chinoise, c'est parce que la réglementation chinoise a évolué : on peut maintenant acquérir une entreprise sans payer en cash, mais en actions. En gros, Seb rachète en faisant ce que Mittal voulait faire avec Arcelor (payer pour l'essentiel en action), chose qu'en France on a vivement critiqué. [Au fait, en passant, j'espère que chacun aura apprécié l'évolution des relations entre les responsables de Mittal et Arcelor...]
7. Je ne dis pas non plus que l'opération de Seb est nécessairement et a priori gagnante : il faut savoir qu'environ 1/3 des IDE sont des échecs, en raison, notamment, d'une sous-estimation des coûts de la coordination à distance. Disons plutôt que, compte tenu des infos disponibles aujourd'hui, il me semble que l'opération est plutôt pertinente et sans doute profitable à l'économie française, y compris en termes d'emplois...
Affaire à suivre...