Devoir de rentrée : solution

Publié le par Olivier Bouba-Olga

Bravo à leconomiste, premier à avoir proposé Henry Ford. Mention spéciale à c.f. pour avoir développé les explications. Extrait du texte dans lequel j'ai pioché le sujet :

"En 1914, la Ford Motor Company a décidé de payer à l’avenir ses travailleurs $5 par jour. Comme le salaire généralement en vigueur à l’époque était compris entre $2 et $3 par jour, le salaire payé par Ford était bien au delà du niveau d’équilibre. Longues étaient donc les files de travailleurs attendant devant les grilles de l’usine Ford d’y être engagés pour gagner ce salaire élevé.

Quelle était la motivation de Henry Ford ? Celui-ci l’a énoncé comme suit : « Nous souhaitions payer ce salaire pour que l’entreprise ait des bases solides. Nous travaillions pour le futur. Toute entreprise qui paie des bas salaires est précaire... Le paiement de $5 par jour pour une journée de 8 heures est l’une des meilleures mesures de réduction des coûts que nous ayons jamais prises ».

Du point de vue de la théorie économique traditionnelle, l’explication de Ford est singulière puisqu’il suggère que des salaires élevés sont synonymes de coûts réduits."

(D’après G. Mankiw, 1999, Macroéconomie, De Boeck Université, p. 150)


Pour comprendre le lien salaire élevé / coût réduit, il convient d'introduire la notion de productivité. J'en ai parlé à plusieurs reprises s'agissant des délocalisations, ce qui intéresse l'entreprise, ce n'est pas le coût du travail, mais le coût salarial unitaire, rapport entre le coût du travail et sa productivité. L'accroissement des salaires peut dès lors se traduire par une baisse des coûts s'il s'accompagne d'un accroissement plus important de la productivité du travail.
En proposant des salaires deux fois et demi supérieurs au salaire moyen en vigueur, Ford s'attirait les meilleurs salariés, et s'assurait de leur motivation. On note au passage que la relation salaire (w) - productivité du travail (y) est en quelque sorte inversée : ce n'est plus le niveau de productivité qui définit le niveau des salaires (w=f(y)), c'est le niveau des salaires qui définit le niveau de productivité (y=f(w)).

Pour information, j'ai donné ce sujet aux étudiants de Licence 2ème année de la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers (dans le cadre du cours Economie de l'entreprise), sachant qu'ils devaient le traiter en mobilisant la théorie de l'agence (cf. L'economie de l'entreprise, chapitre 1 ; voir aussi pour une introduction ici). Dans ce cadre, l'accroissement des salaires peut être vu comme un mécanisme d'incitation permettant d'éviter les problèmes de sélection adverse (les meilleurs candidats se présentent et se signalent) et les problèmes d'aléa moral (les salariés fournissent l'effort maximal, acceptent les conditions de travail difficiles, ne font pas grève, peu de turn-over, etc.).

Publié dans Enseignement

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O
Proposer des hauts salaires n'est pas un gage de productivité accrue.<br /> Il faut affiner les justifications avancées. Au mieux on peut dire que proposer des salaires plus élevés permet de fidéliser ces employés. En revanche, ces mêmes salaires vont attirer aussi bien les meilleurs employés que les plus mauvais, il n'y a pas d'effet signal si l'augmentation de salaire porte sur la part fixe de la rémunération, bien au contraire....<br /> Seul une augmentation significative de la part variable peut jouer cet effet signal, puisque c'est justement la producitvité des "meilleurs" qui sera ainsi récompensée...<br /> Bref, il faudrait préciser les hypothèses qui permettent de lier "hausse des salaires" et "hausse de la productivité"
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A
C'est sûrement pour ses positions éthiques que Ford aurait apparemment utilisé de la main-d'oeuvre forcé et fournit des véhicules au régime nazi ? :oDPersonnellement, entendre un industriel ou un chef d'entreprise multinationale parler d'éthique, ça me fait comme lorsque Leclerc expose sa vision du développement durable : juste sourire.AJC
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X
A propos d'Henry ford et des hauts salaires, cf. la tribune de Michel Rocard dans Le Monde du 09/01, qui commence ainsi :<br /> <br /> <br /> Le capitalisme éthique, un principe fragile, par Michel Rocard<br /> <br /> Henry Ford, constructeur automobile américain (1863-1947), ne fut pas seulement pendant une quinzaine d'années le plus gros industriel du monde. Il fut aussi l'un des sauveteurs du capitalisme frappé gravement par la crise de 1929 : c'est la politique des hauts salaires, dont il est l'inventeur, qui assura le redémarrage de la consommation. C'est dire toute l'importance de ses intuitions.<br /> <br /> Il aurait affirmé à diverses reprises que le capitalisme ne saurait vivre et se développer sans respecter une éthique rigoureuse. Il était à ses yeux mauvais - moralement - qu'un chef d'entreprise se paye plus de quarante fois la rémunération moyenne de ses employés. Lui-même respectait cette règle à son propre endroit. La clé de ce jugement tient en ceci que le capitalisme est assurément la forme d'organisation sociale qui garantit les plus grandes marges de liberté à tous les acteurs du système. Cela ne peut évidemment pas tenir sans un haut degré d'autolimitation et d'autocontrôle.<br /> <br /> Or il est clair, en ce vingt et unième siècle débutant, que quelque chose a craqué quelque part dans le système. (...)<br /> <br /> <br /> La suite ici : <br /> http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-853408,0.html
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O
@ ego : oui, j'avais vu, d'ailleurs j'avais mis un lien vers votre billet dans mon billet.@ rogel : si, si, ca peut se faire de l'interactivité! merci pour l'énigme et bravo à Julie pour la réponse!
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J
En réponse à l'énigme de rogel (que je remercie d'ailleurs car sa devinette m'a permis de me replonger dans l'univers d'un auteur que j'avais tendance à déprécier), l'extait est tiré de Voyage au bout de la nuit, de Céline.<br /> Outre l'état des lieux des conditions de travail dans l'usine Ford de Détroit, le bouquin de Céline est un excellent plaidoyer contre la guerre et le colonialisme. A lire ou à relire.<br />  <br />  
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