Après les pôles de compétitivité, les grappes!

Publié le par Olivier Bouba-Olga

La Datar a lançé une nouvelle politique de soutien à l'innovation des territoires, avec la notion de grappes d'entreprises. 42 grappes viennent d'être sélectionnées (dont une en Poitou-Charentes, Atlanpack (voir ici page 16 pour un descriptif). Qu'est-ce qu'une grappe? Selon la Datar, les grappes d’entreprises sont constituées de TPE/PME d’un même secteur d’activité et sont ancrées dans un territoire.

Je suis désolé mais, j'ai été critique sur les pôles de compétitivité (voir ce billet sur Débat 2007), je reste critique sur cette nouvelle politique, qui vise à soutenir une forme très particulière d'organisation territoriale, érigée en une espèce de nouveau modèle, sans que l'on nous apporte des preuves de l'intérêt d'une telle forme d'organisation.  Pourquoi un même secteur? Pourquoi cet ancrage territorial? Il existe des configurations territoriales très différentes, sans que l'on puisse démontrer la supériorité de l'une d'entre elles. Sur la base des deux critères mentionnés, on peut par exemple avoir les configurations suivantes :


Configurations possibles

Ancrage territorial

faible

Fort

Spécialisation sectorielle

Faible

A

B

Forte

C

D

 

La Datar souhaite soutenir la configuration D. Mais encore une fois, où sont les preuves de la supériorité de cette configuration? Je signale en passant que certains territoires qui sont dans cette configuration peuvent voler en éclats en cas de choc important sur le secteur en question.

Que devrait faire la Datar, alors? Mon sentiment est qu'il faut qu'ils arrêtent de chercher le modèle optimal (SPL puis Pôles de Compétitivité puis Grappes d'entreprises), un tel modèle n'existe pas. Bien sûr, si vous dites ça à des personnes de la Datar (je leur  ai dit à plusieurs reprises, pour avoir été invité dans différents groupes de travail), elles ont du mal à l'entendre (on va perdre notre job, alors?).

Mais comme je suis un type gentil, je peux leur proposer un nouveau boulot : ce qu'ils pourraient apporter aux territoires, c'est plutôt de la méthodologie d'analyse de leurs caractéristiques propres, des outils d'accompagnement des exercices de diagnostic territorial et de prospective. A charge ensuite pour les territoires, compte-tenu de leurs analyses et des problématiques locales identifiées, de proposer des réponses adaptées. La Datar pourrait ensuite soutenir les projets qui semblent le mieux répondre aux problématiques identifiées,  ces projets pouvant prendre, vous l'aurez compris, des formes très diverses.

On serait alors sur de véritables politiques territorialisées. Pour l'instant, la Datar n'a pas entendu ce message.

 

NB : voir aussi ce billet d'Hélène Perrin-Boulonne, également critique, qui va dans le même sens que le mien.

Publié dans Territoires

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O
<br /> <br /> @Ch. Gobbé : oui, d'accord. Sur ce point, cf. le rapport Wasmer/Lemoine, qui propose précisément de développer les compétences génériques des salariés, pour<br /> éviter leur enfermement sur des savoirs/savoir-faire trop spécifiques, qui réduisent leurs possibilités de redéploiement. A minima, il faudrait développer à chaque fois un bon mix compétences<br /> spécifiques/compétences génériques.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Une question au Professeur Bouba-Olga.<br /> <br /> <br /> Le problème des pôles de compétitivité, n'est-ce pas également de mettre tous les oeufs dans le même panier ? En focalisant le développement local sur une industrie, on prend le risque d'avoir<br /> des retours de bâton assez violents si un choc exogène ou une conjoncture particulière fait perdre de la vitesse à la branche industrielle ciblée.<br /> <br /> <br /> Exemple concret que tu connais. La vallée de l'Arve dont l'activité est centrée sur le décolletage. Il y a quelques années (2-3 ans), la mode était vraiment aux pôles de compétitivité. Pour créer<br /> un réseau centres de formation/entreprises, on a créé des labels "lycées des métiers" qui avaient pour but de renforcer ces liens et on centrait la formation des lycées professionnels et<br /> technologiques (formations allant jusqu'à la licencre pro) vers les métiers autour d'une branche industrielle, pour la vallée de l'Arve, le décolletage.<br /> <br /> <br /> Néanmoins, cette vieille industrie a pas mal de plomb dans l'aile et se délocalise. Les entreprises n'embauchent plus. Plutôt que de centrer les formations vers des compétences transversales<br /> "transposables", on reste centré, dans l'esprit des pôles, sur l'idée d'une branche et si celle-ci périclite, les difficultés vont croissantes : le système a énormément d'inertie de telle sorte<br /> que les reconversions sont difficiles et les formations deviennent très vite obsolètes.<br /> <br /> <br /> Voilà... réflexion/question assez naïve mais qui pourrait porter à réflexion sur l'offre de formation.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> "Mais comme je suis un type gentil, je peux leur proposer un nouveau boulot : ce qu'ils pourraient apporter aux<br /> territoires, c'est plutôt de la méthodologie d'analyse de leurs caractéristiques propres, des outils d'accompagnement des exercices de diagnostic territorial et de prospective. A charge ensuite<br /> pour les territoires, compte-tenu de leurs analyses et des problématiques locales identifiées, de proposer des réponses adaptées. La Datar pourrait ensuite soutenir les projets qui semblent le<br /> mieux répondre aux problématiques identifiées,  ces projets pouvant prendre, vous l'aurez compris, des formes très diverses."<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> N'est-ce pas déjà en place ? Non pas par la DATAR, mais par les territoires eux-mêmes ?<br /> <br /> <br /> D'un point de vue pratique, les territoires mettant en place des diagnostics territoriaux (en faisant appel à des<br /> compétences internes -chargés de missions...- ou externes -consultants...-)  en f ont-ils un bon usage ?<br /> <br /> <br /> Au-dessus des spécialistes locaux non-élus, il y a (malheureusement ou heureusement ?) des élus et des groupes influents<br /> qui ont le dernier mot sur la stratégie de développement économique. Le rapport étant parfois utilisé ou orienté uniquement pour légitimer les décisions (prises à l'avance...) des élus ou des<br /> acteurs locaux.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> En résumé : en ont-ils quelque chose à faire, de véritables diagnostics, les acteurs locaux, lorsqu'ils ne sont pas déjà<br /> dans cette démarche ?<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Le propos de la datar n'est pas de faire émerger le modèle "D" partout sur le territoire, mais d'aider entreprises et universités à se parler, à mutualiser les moyens, notamment sur la recherche,<br /> à travailler ensemble et (surtout) à trouver des financements, ce qui est nettement plus facile dans les cas où il y a spécialisation et proximité géographique.<br /> <br /> <br /> Cette critique ne me semble donc infondée, d'autant qu'en pratique l'aire d'un pôle peut être assez étendu (cas de la cosmetic valley, par exemple).<br /> <br /> <br /> <br />
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