Entreprise négative contre l'enseignement de l'économie - épisode 1

Publié le par Olivier Bouba-Olga

L'autre jour, Xavier Darcos expliquait que la filière ES n’offrait pas de débouchés. On a vu, statistiques du Ministère de l’Education Nationale à l’appui, que cette affirmation était totalement erronée. C’est à une autre idée récurrente que je m’attaque aujourd’hui, après avoir lu le rapport de l’Association Positive Entreprise, dirigé par Thibault Lanxade, et titré « l’entreprise dans les programmes scolaires » et sous-titré « les Sciences Economiques et Sociales au programme de seconde ».

Pourquoi discuter du rapport de cette association peu connue, me direz-vous ? Car le point de vue défendu est assez représentatif des positions des dirigeants d'entreprise, me semble-t-il, mais aussi parce que cette association organise le 10 décembre 2007 un colloque au Sénat placé sous "le haut patronage du Président de la Commission des Affaires Économiques, Monsieur le Sénateur Jean-Paul Émorine" (voir ici).  Le rapport a également fait l’objet d’un article dans 20 minutes le 31 août dernier, et de quelques reprises ici.

La thèse défendue est la suivante : les jeunes n’aiment pas l’entreprise à cause de l’école et plus précisément en raison du contenu des manuels scolaires d’économie de seconde, qui véhiculent « une image pessimiste, incomplète, réductrice et idéologiquement orientée de l’entreprise ». Pour pallier ce problème, Thibault Lanxade propose d’intégrer « des chefs d’entreprise dans la commission des programmes scolaires », afin de « réactualiser les données des manuels scolaires et [de] proposer une vision objective et positive du monde de l’entreprise » (je grasse).

Il y aurait plusieurs choses à examiner pour évaluer la validité des propos de Thibault Lanxade : i) peut-on dire véritablement que les jeunes n’aiment pas l’entreprise ? ii) ce « désamour » est-il le produit de l’enseignement de SES au lycée ? iii) l’analyse des manuels de SES proposée par Positive Entreprise, et les conclusions qu’en tire l’association, sont-elles recevables ? iv) la proposition d’intégrer les chefs d’entreprise dans la commission des programmes scolaires est-elle une bonne solution ? etc.

Je me concentre ici sur le point 2, je reviendrai sur les autres dans les prochains épisodes. A supposer que les jeunes n’aiment pas l’entreprise, peut-on dire que ce « désamour » résulte du contenu de l’enseignement de SES ? En fait non, en dehors même de tout examen du contenu des manuels, pour une raison très simple : la grande majorité des jeunes ne suivent pas l’option SES de seconde…

 Démonstration :

 A la rentrée 2006, selon les chiffres du Ministère, 522 801 élèves sont entrés en seconde générale et technologique, 214 199 en seconde professionnelle, 50 456 en première année de CAP en 2 ans et 151 en première année de CAP en 3 ans. Il y a donc au total 787 607 élèves, ceux entrant en seconde générale et technologique représentent 66,4% de l’ensemble. Sur ces élèves, tous ne choisissent pas l’option SES. Ils sont en fait 225 213 à faire ce choix, et 297 588 à faire un autre choix. C’est donc 43% des élèves de seconde générale et technologique qui suivent l’enseignement de SES.


Sur la base de ces chiffres, il s’avère donc que seuls 66,4%*43,1% des élèves suivent l’enseignement de SES, soit 28,6% et donc, vous l'aurez deviné, 71,4% des élèves ne suivent pas un tel enseignement. Affirmer que l’enseignement de SES est une des causes principales du désamour des jeunes pour l’entreprise est donc erroné. Au mieux, sous réserve de validation des autres points, il peut participer au désamour de moins du tiers d’entre eux (plus près du quart que du tiers, d'ailleurs).

Publié dans Enseignement

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O
@ Positive entreprise : ceci n'est pas un commentaire, mais un billet posté sur un autre blog en réponse à une réaction de l'APSES sur votre étude. Mieux vaut poster le lien, et éventuellement commenter mon propre billet...Je supprime donc le commentaire, et voici le lien :http://www.positive-entreprise.org/ape/2007/09/positive-entr-1.html
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L
Ouf, je ne suis pas seul à me dire que Lanxade et ces étude c'est de la débilité et de la propagande sans vergogne....Parlez-en avec lui et voyez mon commentaire sur : http://www.positive-entreprise.org/ape/2007/08/programmes-scol.htmlIl va surement répondre...Et puis autant s'inscrire à son colloc du 10 décembre, ça va swinguer...
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S
Et bientôt on obligera les mères au foyer à faire des stages en entreprises pour qu'elles aient une bonne image de l'entreprise à transmettre... Les entreprises feront signer une "clause" dans le contrat d'embauche précisant qu'ils rentreront chez eux tous les jours avec le sourire en disant "j'ai passé une bonne journée grâce à mon employeur"... Après tout, si les jeunes ont une vision pessimiste de ce qui peut les attendre c'est peut être parce qu'ils voient l'effet sur la mine de leurs parents...
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A
J'arrive un peu tard dans le débat, mais ce sujet me rappelle être tomùbé plusieurs fois sur internet, lors de recherche pour donner un cours à une élève de terminale sur ce genre de propos : l'enseignement de l'économie au lycée serait une pale copie du programme d'Attac ! tenez, regardez plutôt : http://www.libres.org/francais/actualite/archives/actualite_0404/enseignement_lycee_a2_1604.htmhttp://ventdauvergne.canalblog.com/archives/2007/04/13/4614926.html
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A
En même temps... ce qu'oublient de nombreux citoyens, c'est que le but de l'entreprise, c'est tout de même de faire du fric. Que ça soit pour le compte des actionnaires ou celui des patrons.Vu le nombre de précaires à l'heure actuel, les profits de certaines entreprises, le comportement de certains patrons, etc. déjà, c'est pas étonnant qu'un lycéen n'ayant jamais bossé n'apprécie que moyennement l'entreprise.L'entreprise, on y va pas par amour. On y va parce qu'on veut manger, avoir du pognon, vivre, ou survivre.Faire croire que l'entreprise, c'est le Paradis, que les entrepreneurs et chefs d'entreprises sont des gens nécessairement, fondamentalement, bons et agréables, oeuvrant pour le bien-être de la société, ça serait vraiment lobotomiser les lycéens ou collégiens.D'ailleurs, heureusement -ou malheureusement- qu'il y a les petits boulots et qu'une bonne partie de leur population bosse pour vivre dans des boulots qu'elle n'apprécie pas vraiment : ça permet de remettre les choses à leurs places. Une bonne confrontation avec la réalité, et un peu de réflexion derrière, ça permet de suite de ne plus aimer le travail ou l'entreprise. Suffit de tomber sur un patron un peu salaud ou incompétent, et le tour est joué."Tous les patrons ne sont pas comme ça", vous me direz. Oui, mais des cons et des égoïstes, y'en a partout. Néanmoins, lorsqu'ils sont employés de bureau ou chômeurs, on a beau les remarquer, ils font moins de mal que lorsqu'ils ont des postes à responsabilité et que plusieurs dizaines ou centaines de personnes se trouvent sous leur emprise.Les ouvriers, employés de bas étage, salariés précaires, eux aussi n'ont pas nécessairement de bonnes considérations pour l'entreprise. Pourtant, me semble t'il, ils sont pas tous passés par la filière ES...Respectueusement,AJC
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