idée reçue #3 : la désindustrialisation de la France

Publié le par Olivier Bouba-Olga

Après la première selon laquelle un jeune sur quatre est au chômage, après celle selon laquelle le système éducatif ne répond pas aux besoins des entreprises, troisième idée souvent lue : la France est en cours de désindustrialisation...

Une fois encore, les chiffres semblent imparables : de 1980 à 2004, l'industrie a perdu un tiers de ses effectifs, pendant que sa part dans la valeur ajoutée est passée de 28% à 19%. Et les explications sont toutes trouvées : coût du travail trop élevé qui fait fuir les entreprises en Asie ou dans les PECO, marché du travail trop rigide qui fait fuir les jeunes qualifiés vers Londres ou les Etats-Unis, fiscalité et lourdeurs administratives telles que plus personne ne souhaite investir en France, etc...

Sauf que....

* le recul de la valeur ajoutée industrielle en valeur est supérieur à celui observé en volume. Ce qui veut dire que ce sont plus les prix que le volume de production de l'industrie qui ont baissé. Pourquoi? Car l'industrie réalise des gains de productivité plus importants que les services... Et si le recul de l'industrie a été plus fort en France que dans d'autres pays, c'est, pour une part, en raison de gains de productivité plus forts : l'industrie y a été plus efficace qu'ailleurs !!!
* surtout, l'industrie s'organise de manière totalement différente : beaucoup d'entreprises externalisent des activités qu'elles réalisaient auparavant en interne, et des activités qui relèvent des services : elles se rencentrent sur leur coeur de métier.D'où la croissance très forte du poids des activités "Services aux entreprises". Dans le même sens, l'industrie fait largement appel à l'intérim, ce qui vient gonfler le poids des services, alors que ce sont des emplois qui alimentent les besoins de l'industrie.
En ajoutant les emplois de l'industrie et ceux du secteur "Services aux entreprises" (source Insee, Les Services en France, p.23), on voit bien la stabilité de l'ensemble :

Le poids de l'industrie
  1990 2000 2004
Industrie 19,8% 16,3% 15,1%
Services aux entreprises 11,7% 15,4% 16,4%
Total 31,5% 31,7% 31,5%

En tenant compte en plus de l'intérim, l'emploi dépendant de l'industrie représenterait entre 40 et 45% de l'emploi total. Bref, on n'assiste pas à une désindustrialisation de la France, mais à une transformation de l'industrie.

Transformation que l'ouvrage dirigé par Colletis et Lung  ("La France industrielle en question", la Documentation Française, 2006) permet de bien cerner, en adoptant une entrée sectorielle (textile-habillement, industrie automobile, industrie aéronautique et spatiale, industrie pharmaceutique, TIC, grande distribution) d'une part, et en s'interrogeant sur l'impact de la globalisation, de la financiarisation et du changement technologique sur chacun de ces secteurs, d'autre part. Lecture conseillée !
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F
Cet article date de 2006 : qu'en est-il en ce milieu d'année 2009 ? Après tout ce qui vient de survenir durant cette "crise" ! Je n'ai pas trouvé d'article éco intégrant des stats récentes. Peut être faudrait il parler un peu plus du type d'entreprises concernées : il semblerait que les industries "lourdes" soient plus touchées ? Illusions ? Si c'est la cas, que ce passerait il en cas de conflit mondial pour les nations ayant perdus leurs industries de base, telle que la sidérurgie ?Merci.FL
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N
un webmaster sans-papires crée un site un peu bizarre un dictionnaire des sites français avec lequel il veut atteindre 1 million d'euro et devenir millionnaire voici son site :http://www.jeseraimillionnaire.com
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E
Je crois en votre bonne foi concernant le 2. D\\\'autant que les nomenclature de l\\\'Insee, c\\\'est pas forcemment le top pour départager les activités.Ce qui m\\\'amène à une question, qu\\\'est ce qu\\\'un service ou une industrie. L\\\'industrie concerne les biens matériels, ce qui pose problème dans à l\\\'heure de la socièté de l\\\'information. Plus problématique: La libéralisation du marché de l\\\'énergie a conduit à l\\\'éclatement de la "production et distribution d\\\'électricité" en 3 activités différente au sein des nomenclatures de l\\\'Insee:-production d\\\'électricité-transport d\\\'électricité-distribution et commerce d\\\'électricité.Je n\\\'ai pas compris ou l\\\'Insee classait la production d\\\'électricité ( en fait j\\\'ai pratiquement rien compris). Dans le tertiaire pour l\\\'hydrolique puisque que l\\\'on ne transforme rien ou dans le secondaire pour le nucléaire puisque qu\\\'un bien primaire est transphormé ?Ce détail mis a part on voit bien dans cet exemple que l\\\'éclatement d\\\'une activité réduit mécaniquement la part industrielle de l\\\'économie. A terme, on peut imaginer une usine qui sous-traite le déplacement des ouvriers sur une chaine de production  etc ...Voila c\\\'était pour apporter de l\\\'eau a votre moulin, la définition de l\\\'industrie est bien trop restrictive.
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E
Pourquoi penser que les services aux entreprises sont réservés à l'industrie ?Dans le Pdf de l'Insee cité, il est précisé:1 les 3/4 des services sont achetés par les entreprises toutes catégories et le reste donc par les ménages.2 les services aux entreprises comprenent bien l'interim donc vous ne pouvez pas faire grimper l'emploi industriel à 40%, ce qui est un peu abusif.
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O
aucune raison de réserver les services aux entreprises à l'industrie, puisque des entreprises de service externalisent elles-même. Ce sur quoi je voulais insister, c'est sur le rôle clé de l'industrie dans le développement des SAE, donc sur l'erreur de diagnostic quand on parle de désindustrialisation. Je préfère parler de transformation de l'industrie. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes d'adaptation.S'agissant du point 2 : j'ai tiré les stats de Colletis et Lung, ils distinguent des chiffres avec SAE seuls et avec SAE+intérim, et indiquent un poids de 35 à 40%. Je vous l'accorde, les sociétés d'intérim sont des sociétés de SAE, mais la décomposition statistique semble possible. Je vérifierai à l'occasion pour être tout à fait sûr!
D
<br /> Selon les chiffres de la comptabilité nationale (http://www.insee.fr/fr/indicateur/cnat_annu/base_2000/biens_services/va_emploi_prod.htm), la part de l'industrie dans la valeur ajoutée EN VOLUME est même la même aujourd'hui qu'en 1982 (17.3%). Alors qu'elle a effectivement diminué en valeur de par l'effet prix que vous mentionnez.<br /> Les phénomènes d'externalisation sont donc importants mais ne sont même pas nécessaires pour contrecarrer l'argument de la désindustrialisation (sans parler qu'additionner les services aux entreprises à l'industrie me semble quand même une vision un peu limitative du contenu des services aux entreprises)<br /> En réalité, la désindustrialisation du pays est uniquement et essentiellement une désindustrialisation des emplois pour des raisons essentiellement technologiques : c'est évidemment un bouleversement de société majeur, d'autant plus si on l'ajoute avec tous les autres phénomènes de changement d'organisation que vous avez mentionnés par ailleurs.<br /> Les hommes politiques et les journalistes utilisent très mal les statistiques en se contenant souvent des indicateurs bruts et des idées reçues : c'est là un des malheurs du débat politique national.<br />
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